M&T Chimie, trois années difficiles

 

version 4.1_page 86-11_mai 2023

Il fallait quitter Ribécourt pour deux raisons essentielles:

_les trajets

_le retour au sein de CECA.

 

Pendant un certain temps le siège de la société CECA  était dans un immeuble situé à Velizy.

Comme à son habitude la réunion de Direction avait été programmée le mercredi matin mais je n'ai pas pu rentrer à La Celle Saint Cloud le mardi soir; Je suis parti très tôt de Ribécourt mais j'ai accumulé les embouteillages. 

Je suis arrivé très en retard, juste au moment, où le Directeur de la division allait appleler la gendarmerie pour savoir, s'il m'était arrivé quelque chose.

 

Il fallait trouver une solution.

Quelques mois auparavant j'avais reçu Paul Chapin, directeur d'une société américaine basée à Vlissingen (NL), filiale de M&T Chemicals, elle même filiale de Elf Inc.

 

Vers la fin de l'année 1985 les dirigeants de plusieurs sociétés du groupe Elf ont décidé de mettre en commun la commercialisation d'une partie des produits, qu'ils fabriquaient et créé une société appelée M&T Chimie basée  à la Défense; la direction de la société a été confiée à Paul Chapin, qui a commencé les recrutements auprès des sociétés concernées.

 

C'est ainsi que j'ai rejoint M&T Chimie comme responsable du service technique, qui devait épauler les services commerciaux. Ce service était hébergé dans le centre de Levallois (le "CAL"), qui dépendait d'Atochem, filiale du groupe Elf.

 

Il faut suivre car c'est compliqué.

les moins

_ les société fondatrices conservaient l'essentiel des bénéfices

_contrairement à ce qui avait été envisagé les produits commercialisés s'adressaient en fait à des sociétés différentes; il n'y avait donc pas de gain au niveau du portefeuille client.

_ pratiquement tous les dirigeants étaient des anciens Expat, qui ne rèvent que d'une chose : retourner aux USA.

_ les dirigeants de M&T Chemicals avaient aussi leur mot à dire dans la gestion et pouvaient être en désaccord avec l'équipe française, Paul Chapin étant coincé entre les deux et ne voulant pas être contraint de retourner aux USA.

_ le service technique de Levallois pouvait être amené à demander des modifications de produits aux société fondatrices mais les correspondants locaux pouvaient s'y opposer, notamment mes anciens collabotateurs de Ribécourt.

_j'avais en fait deux casquettes dans la mesure, où je supervisais aussi des équipes d'Atochem, et j'étais donc soumis à des exigences qui pouvaient être différentes sinon parfois même opposées.

_Seuls 3 cadres étaient salariés "M&T", tout le reste était composé de personnel d'Atochem. J'avais donc deux "chefs" administratifs, qui n'avaient pas les mêmes priorités.

_ du point de vue recherche je devais aussi rendre compte au groupement recherche d'Elf et notamment au groupement de Lacq le "GRL"), qui avait sa propre politique. 

Le plus

L'avantage principal : le laboratoire situé à Levallois.

Il faut noter, que de La Celle Saint Cloud à Levallois, il y a plusieurs moyens de transport:

la voiture, le RER A, le bus.

 

je n'ai pas essayé le bus.

 

le RER A suppose de rejoindre Rueil par la ligne 27 changer à  Charles de Gaulle et prendre la ligne 2 puis la 3 (Anatole France) ou changer à la gare Saint Lazare pour récupérer la ligne 3.

Il est possible aussi de passer par la gare de La Celle Saint Cloud pour rejoindre la gare Saint Lazare et la ligne 3.

 

Il reste la voiture, 10 minutes de trajet et parfois plus de 20 minutes pour trouver une palce de parking boulevard Bineau à Neuilly. Un jour j'ai failli ne pas retrouver ma voiture, que j'avais garée tout au bout du boulevard Bineau.

 

le jack pot

un jour deux dirigeants de M&T Chemicals sont venus à Levallois pour savoir comment je travaillais et voir si j'avais des besoins en investissement. 

Faute d'ordinateur à l'époque j'ai dessiné sur une grand feuille de papier toutes les étapes pour arriver à valider un produit avec l'indication sur la disponibilité du matériel nécessaire (disponible à Levallois, disponible dans le groupe Elf ou manquant et doit donc être acheté).

L'un des dirigeants m'a demandé combien, s'il faut acheter ce qui manque. J'ai fait un rapide calcul et annoncé "un million de dollars". La réponse est venue immédiatement "ok".

 

Paul Chapin a eu du mal à s'en remettre car mes visiteurs étaient réputés pour avoir des oursins dans les poches.

 

Apprenant celà mon homologue chez M&T Chemicals s'est fendu d'un long exposé, où il expliquait pourquoi je n'avais pas besoin d'un équipement "state of the art". 

Le plus cocasse fut la discussion quelques mois plus tard avec mon collègue chinois qui avait acheté très exactement le même matériel. 

Tout a une fin

En 1989 M&T Chemicals a acheté une société au Japon et nous avons été invités à y aller pour présenter nos projets.

Le déplacement devait durer 2 semaines car il fallait en profiter pour rencontrer des clients en Corée, Taiwan, Hong Kong.

Anne Marie m'a accompagné car, comme me l'a dit Paul Chapin, les chambres sont payées; je n'avais qu'à payer le billet d'avion supplémentaire. 

Au dernier moment il a fallu rajouter un détour par Singapour (rencontrer des clients indonésiens) et Bangkok.

Anne Marie est néanmoins rentrée au bout de la deuxième semaine.

J'étais content du résultat : 90 cartes de visite collectées en 3 semaines mais la réponse du directeur commercial : "cela a coûté cher" m'a refroidi.

est-ce la bonne porte de sortie?

Dans le courrier accumulé pendant mon absence il y avait une lettre d'une société que je ne connaissais pas : Beissier; elle cherchait son directeur technique. Je me suis dit "pourquoi pas?".

 

Les bureaux étaient alors près de la place Daumesnil (12ème) dans un immeuble en bois au fond d'une cour. J'ai attendu plus de 30 minutes avant d'être reçu par les dirigeants. J'ai visité l'usine à La Chapelle La Reine (S&M) quelques jours plus tard et reçu une offre intéressante. 

 

Passer de Rousselot, du groupe Elf, d'un laboratoire important (300 personnes) à une société de 142 personnes et un laboratoire de 5 personnes seulement malgré son rattachement au groupe cimentier allemand Dyckerhoff paraissait risqué.

 

Peu de temps auparavant un collègue de Lacq m'avait félicité pour ma promotion. Je n'ai jamais su ce qu'il voulait dire par là mais le directeur du centre de Levallois voulait redescendre vers Lacq et avait peut-être suggéré que je prenne sa place; un autre poste allait également se libérer à Lacq.

La décision

C'est l'incident de Ribécourt qui a entraîné la décision.

 

Je devais assister à une fabrication pilote destinée à un client important. L'ouvrier présent venait de se faire refuser un congé spécial pour rejoindre à Londres la famille mauricienne de son épouse. Furieux il a fait fonctionner la machine à l'envers et j'ai reçu sur la tête 25kg d'une poudre contenant des produits toxiques.

J'ai pris immédiatement ma voiture, direction le siège social de la société à La Défense et demandé à voir le directeur général.

Paul Chapin avait curieusement un besoin urgent de cigarettes. Pendant son absence j'ai rédigé une courte lettre de démission sur un coin de table basse ("I'm leaving the company") et j'ai signé le lendemain le contrat avec Beissier. 

les suites

 

Les sociétés qui avaient mis en commun leurs services commerciaux se sont rendues compte quelques mois plus tard, que la synergie attendue n'était pas au rendez-vous. Chacune a repris ses billes et M&T Chimie a disparu; par contre la société américaine existe toujours.

Puis les produits fabriqués par Ceca ont été cédés à des concurrents. L'usine de Ribécourt a été transférée chez Bostik.

 

L'une de mes anciennes collaboratrices est venue un jour chez Beissier à La Chapelle La Reine sans se douter de ma présence dans un bureau voisin. Ce fut la surprise. Elle avait malheureusement perdu tout l'éclat auquel elle m'avait habitué.